Logé entre 2 cartes de fidélité, un petit papier vert tombe à mes pieds. Dessus, il est écrit DETOUR. Ce mot, je l’avais pioché parmi d’autres lors d’un cours de yoga, il y a bientôt 2 ans. J’avais oublié jusqu’à l’existence-même de ce vestige, logé au fin fond de mon sac. Dé-tour. Le mot avait résonné dans ma tête tel un présage peu glorieux de mon futur. Mon corps s’était crispé. Un peu comme lorsqu’on lit son horoscope dans un magazine et qu’on refuse d’y croire s’il annonce une mauvaise journée. Je m’étais dit: « Détour? Donc, en résumé, ta vie ne prend pas la bonne direction ma pauv’ Lucette! »
Faire des détours ne m’inspirait rien de bien enthousiasmant. Moi, je voulais aller du point A au point B. Montrez-moi la route idéale à emprunter. Ne me laissez pas m’égarer en chemin. Indiquez-moi le chemin le plus court, le plus direct, le plus efficace.
Les détours, c’est pour les autres, pensais-je. Seuls les autres peuvent les apprécier. Ces autres que j’imagine un peu plus « wild and free » que moi. Seuls les autres peuvent aimer s’égarer, chercher un autre chemin, faire demi-tour. Danser avec les doutes, chercher leur chemin dans l’obscurité. Plonger dans l’inattendu. Laisser leurs cheveux s’épanouir au vent comme Mariah Carey dans Fantasy.
Et surtout, eux sont capables d’apprécier le chemin, la beauté du paysage durant leur voyage. Ils sont aptes à découvrir un peu plus qui ils sont en cours de route.
J’en croise de ces voyageurs courageux qui n’ont pas froid aux yeux. Je les vois, les guide, leur dis que ça ira. Je vois la lumière là où eux, parfois, ne la voient pas encore. Ils vont retomber sur leurs pieds mais ils l’ignorent pour le moment. Ce que je voyais chez eux, j’ai fini par le rencontrer chez moi aussi. Ces 2 dernières années, oh oui… en un sens, j’ai emprunté des chemins de traverse.
Ce que je savais déjà, j’ai fini par l’intégrer pleinement: il n’existe pas de recette magique pour vivre sa vie pleinement. Y’a pas de plan unique à suivre. Pas de chemin parfait. Pas de bonne ou mauvaise direction à suivre. Chacun est bâtisseur de sa propre route. Chacun sait, au fond, où il a besoin d’aller pour vivre une « bonne vie ». Ce chemin peut être linéaire. Ou tout sauf linéaire. Mais ce sera assurément un chemin juste pour chacun.
En cours de route, on peut croiser des éclaireurs, des guides, des personnes qui vont nous orienter vers une direction ou une autre. Mais chacun porte en lui la responsabilité de prendre des décisions justes pour sa vie. Personne d’autre ne peut décider – ni savoir – à notre place de ce qui est bon pour nous.
On ne peut pas faire l’économie du chemin, de l’expérience. Et si nécessaire, on ne fera pas l’économie des détours. C’est quand on met ses mains dans la terre qu’on sait si on en aime le contact, ou pas. Identifier ses besoins, défricher les pans de son identité, c’est entamer une exploration archéologique minutieuse, patiente, précieuse. Tantôt rapide, tantôt lente. Tantôt effrayante, tantôt grisante.
Mais quelle exploration gratifiante. L’exploration d’une vie.