La vie est un carnaval

« Ne pleure pas
La vie est un carnaval
Que l’on apprécie encore mieux en chantant »

Celia Cruz – La vida es un carnaval

Il y a comme un air de célébration en ce moment. Dans différentes parties du monde, le carnaval bat son plein et l’heure est à la fête. Moi, c’est le carnaval de Rio de Janeiro et son samba, qui ont gagné mon cœur il y a plusieurs années. Et ce serait comment de vivre sa vie comme si on préparait LE fameux défilé du carnaval de Rio?

LE CARNAVAL, DE L’EXTERIEUR VERS L’INTERIEUR

Show de paillettes. Femmes brésiliennes voluptueuses. Plumes colorées. Chars impressionnants. Fêtes incroyables où se mêlent déguisements et musique bruyante. Caïpirinhas et bière qui coulent à flot. Rio, ville mythique.

Il est facile de rester à la surface de cet événement, de n’en voir que les couleurs extérieures, de n’en connaître que ce qu’il en est raconté communément. Pourtant, quand on plonge vraiment à l’intérieur de cette expérience, on peut observer tellement plus.

L’essence du carnaval est la création. Durant une année entière, ces écoles se surpassent pour monter un projet artistique qu’elles présentent lors d’un défilé de 45 minutes devant un public de 500 000 personnes au Sambodrome, face à un jury et dans le monde entier.

Les écoles s’engagent, avec leur corps et leur âme, dans ce processus créatif. Elles doivent innover, faire preuve d’originalité tout en respectant les codes établis. Concevoir des chars impressionnants, des costumes somptueux, un hymne et des chorégraphies alignés avec la thématique définie. Prendre des risques. Se donner à 100% dans la compétition pour être sacrée meilleure école de samba. 3500 personnes défilent par école: ces écoles doivent donc rassembler, fédérer, créer une synergie autour de ce projet artistique.

Le défilé du carnaval est un moment sacré et attendu, tant pour ceux qui le créent que ceux qui y assistent. Les défis sont nombreux pour ces écoles et ne s’arrêtent qu’à la fin du défilé. Créer n’est pas un long fleuve tranquille. Créer est l’alternance de moments paisibles et de moments de tension. L’hymne va-t-il plaire au public? au jury? Tout (chars, costumes, sonorisation…) sera-t-il prêt et fonctionnel? Chaque détail sera-t-il cohérent avec le thème défini, l’histoire à raconter?

Et c’est ce mélange d’exaltation et d’appréhension qui crée cette explosion de beauté, qui va bien au-delà de ce que l’œil peut voir.

DES MOMENTS DE GRÂCE

Lors du défilé de ces écoles, j’ai eu la sensation de basculer dans une dimension parallèle, d’être détachée de mon corps et en même temps attentive à chaque détail autour de moi. Des détails anodins comme:

Voir les écoles de samba émues aux larmes en démarrant leur défilé.
Les surprendre à faire un signe de croix, en regardant le ciel, avant de commencer à défiler.
Voir le public secouer le drapeau de son école préférée et chanter l’hymne de l’école avec joie.
Voir les couleurs qui se mélangent, les plumes, les matières, les chars et ne plus distinguer chaque élément distinctement…
Lire la joie sur les visages de tous… le soulagement aussi, quand tout s’est bien passé…
Observer le Corcovado au loin, au petit matin, quand le jour se lève…

Moment suspendu ou plus rien n’a d’importance que ce que l’on vit là, au présent.

LA RESILIENCE A L’ETAT PUR

Ca y’est. Le défilé est terminé. Le portail final du Sambodrome a été franchi. Encore quelques moments à jouer l’hymne, à célébrer et bientôt, l’énergie redescendra.

A peine le temps de s’éloigner, de reprendre ses esprits que les costumes sont jetés aussitôt et d’autres gens se battent déjà pour les ramasser par terre. A peine le temps de se souvenir du spectacle créé que les écoles pensent déjà au prochain carnaval, au prochain thème, à la prochaine création dans les semaines qui suivent!

Juste le temps parfait pour créer, aimer, s’attacher et lâcher prise le moment venu. Le cycle de la création ne s’arrête jamais, comme la plante qui pousse chaque jour. Et pourtant: il n’y aura qu’un champion et tant de déçus, malgré la sueur et le travail de tous. Bien sûr, les perdants sont déçus. Certains pleurent. D’autres jurent que c’est injuste.

Mais au final, ils s’engagent tous à nouveau dans le carnaval suivant car leur vision, leur foi, en eux-mêmes, en leurs talents, en leur communauté les poussent vers l’avant. Leur bonheur est dans l’action, dans la création et dans ce qu’ils donnent au monde entier et à eux-mêmes, à travers ce show. Leur bonheur n’est pas, dans l’absolu, dans le fait d’atteindre ou pas la destination finale.

LA VIE EST UN CARNAVAL

Le carnaval est un événement merveilleux mais aussi plein d’aspérités.
Un événement imparfait.
Avec du beau, du très beau et du moche.
Du profond et du superficiel.
Du léger et du grave.
Des parts dont on est fier et d’autres qu’on cache, aux autres à et soi-même.
Du plein et du vide.

Et alors? N’est-ce pas ça la vie justement?
Parfois, on célébrera nos moments de joie, les moments dont on est fier.
Et d’autres fois, on portera le masque, on jouera avec les apparences.
On ressentira des émotions contradictoires qu’on préfère taire.

Mais quoiqu’il arrive, on fera de notre mieux pour rester dans le mouvement de la vie, cet élan universel qui anime chaque être vivant. Mettre un pied devant l’autre. Continuer. Tirer les apprentissages et les leçons. Traverser les défis, en souriant ou en grinçant des dents. Car la vie est un processus créatif constant. La vie est perpétuel mouvement.

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Adeline Anger